Entretien réalisé par Sandra Laquelle, Women Climate Action
Depuis 2010, Anne Girault est Directrice de l’Agence parisienne du climat (APC), agence qui accompagne les particuliers et les professionnels dans leurs démarches et projets d’efficacité énergétique dans le cadre de la mise en œuvre du Plan Climat Air Energie de la Ville de Paris. Elle nous raconte son engagement depuis plus de 40 ans en faveur de la transition écologique.
Anne Girault, parlez-nous de votre parcours. Quel chemin vous a conduit à la direction de l’Agence parisienne du climat ?
En regardant en arrière, j’observe que ma carrière a suivi l’évolution de la question du climat : partant du sujet des économies d’énergies, je me suis progressivement tournée, à l’image de ma génération, vers les enjeux de transition énergétique, de changement climatique et de neutralité carbone.
Comme Consultante tout d’abord, j’ai accompagné l’élaboration du premier Plan Climat territorial, puis celle de nombreux autres plans climat territoriaux à travers la France. Nous avions d’ailleurs produit un Guide des plans climat territoriaux pour appuyer les collectivités locales dans cette démarche. L’Europe a également tenu une place toute particulière dans mon parcours, puisque j’ai participé à la création d’un groupement européen d’intérêt économique (GEIE) pour travailler avec 8 grandes villes européennes dans la lignée de la Déclaration de Madrid et l’engagement à l’époque de réduire de 10% les énergies renouvelables.
En 2010, j’ai eu l’opportunité d’être en charge d’une mission clé, celle de préfigurer la future Agence parisienne du Climat, un des engagements forts du plan climat de Paris, agence que je dirige aujourd’hui.
Depuis plus de 15 ans, je poursuis également mon engagement envers le développement durable à travers l’enseignement comme maitre de conférences à l’université d’Aix Marseille. Cette activité traduit également mon attachement fort au territoire méditerranéen et à son ouverture vers le monde arabe.
Enfin, j’attache une importance toute particulière au rôle des femmes et j’accompagne des jeunes femmes engagées pour le climat dans le cadre de l’initiative Women4Climate, portée par la Maire de Paris, Anne Hidalgo
Pourquoi avoir créé une Agence climat à Paris ? Quelle est son ambition ?
La création de l’Agence est née d’un besoin, celui d’accompagner au quotidien les parisiens dans la démarche de transition écologique en conduisant des actions de terrain. L’Agence est donc une association créée à l’initiative de la Ville de Paris pour accompagner la mise en œuvre du Plan Climat de la ville. Pour les particuliers, l’Agence apporte aujourd’hui un conseil neutre, indépendant et gratuit à ceux qui veulent agir pour la transition énergétique.Par exemple, nous menons des activités dans le domaine de la rénovation urbaine en fournissant un conseil aux co-propriétaires pour les accompagner dans les travaux de rénovation énergétique de leur logement. Nous avons également mis en place une plateforme d’informations avec des fiches bonnes pratiques concernant la réduction des consommations d’énergie et l’action contre le changement climatique à Paris.
Au-delà de Paris, un des grands enjeux actuels est la transition énergétique dans les autres grandes villes du monde, en particulier dans les pays du Sud. Existe-t-il d’autres agences du climat dans le monde, sur le même modèle que celle de Paris ?
Si on reste sur le territoire européen, je dois préciser que j’ai contribué à la création de l’agence du climat à Varsovie, en Pologne.
A ma connaissance, il n’existe pas dans les villes du Sud d’entités sur le même modèle que l’APC. Toutefois, cette démarche pourrait s’avérer très intéressante à l’heure où l’action climatique nécessite de mobiliser et de coordonner un ensemble large d’acteurs au niveau local.
A travers cette question, se pose celle du lien entre gestion publique et politique climatique. Comment créer de nouveaux espaces de gestion publique pour conduire les actions de transition écologique ? Quelles pratiques de management public local pour accroître la résilience de la ville ? Ces questions ont été notamment débattues lors des Dialogues Euro Méditerranéens à Grenade, auxquels j’ai assisté en octobre dernier.
Comme vous l’avez évoqué, vous enseignez comme maître de conférences associé à l’université d’Aix Marseille, sur les grandes thématiques de politique de la ville, de l’environnement, d’énergie ou encore de climat. Quelle place peut jouer l’enseignement et la formation dans le succès de la transition écologique ? Au regard des enjeux, faudrait-il créer par exemple une « Université du climat » ?
La question de la formation et de l’accompagnement du changement a marqué toute ma carrière. Comme Consultante, j’ai moi-même formé par exemple de jeunes consultants aux stratégies de développement durable et de transition énergétique.
Aujourd’hui, j’essaie de donner à mes élèves de l’université Aix Marseille les clés pour analyser et agir dans ces domaines. Nous avons fait bouger les programmes pour y intégrer le développement durable, non plus comme une option mais comme un module obligatoire. Surtout, je tente de donner confiance à ces jeunes qui veulent s’engager professionnellement et personnellement sur les enjeux climatiques.
Néanmoins, à mon sens, la formation sur ces enjeux ne doit pas se limiter à la sphère universitaire. La question est comment accélérer la transition d’ici 2030. Un vrai travail de conviction reste à mener pour démontrer que cette transformation peut être positive et porteuse d’opportunités. Il est essentiel d’aller à la rencontre de la société au sens large, de sensibiliser et d’informer à tous les niveaux, avec une approche transverse. En effet, beaucoup d’acteurs restent à sensibiliser sur le rôle qu’ils peuvent jouer, il faut ainsi aller au cœur des conseils d’administration, promouvoir la finance verte dans le secteur bancaire, etc. C’est un travail du quotidien, qu’il faut pouvoir mener collectivement pour en faire un projet de société.
Il me semble également nécessaire d’adopter une approche plus stratégique sur le plan de la communication en « marketant » davantage le discours lié au climat, c’est-à-dire en segmentant les cibles et en adaptant le message. L’important est de déculpabiliser, d’informer et communiquer avec bienveillance. Il nous faut montrer que les choses peuvent être simples avec des gestes que nous faisons chaque jour.
Vous êtes impliquée dans le réseau Women4Climate, un des programmes de C40, réseau mondial de villes. Pouvez-vous nous en dire plus sur votre engagement dans cette initiative et sur le rôle particulier des femmes dans l’action climatique ?
Les femmes ont un rôle crucial à jouer dans la transition écologique. Elles doivent prendre toute leur place et notamment dans les conseils d’administration, lieux essentiels du pouvoir aujourd’hui.
Je me suis en effet engagée dans le programme Women 4Climate. Cette initiative offre à des femmes talentueuses de grandes métropoles mondiales un programme global de soutien et de conseil dans leurs projets pour le climat. Mon rôle consiste ainsi à être le « mentor » en quelque sorte de jeunes femmes sélectionnées pour leur projet en faveur du climat.
Cette initiative est très importante, car nous leur apportons un vrai accompagnement. Toutefois, il me paraît important d’aller plus loin, de cibler et d’inspirer des jeunes femmes de différents univers, y compris celles ayant un niveau de formation plus faible ou en situation plus précaire, en France comme à l’étranger. Elles ont, elles aussi, besoin d’être soutenues et accompagnées dans leur ambition et dans leurs projets pour une transition écologique réussie.