Les preuves scientifiques du réchauffement climatique sont mises à rude épreuve par les climatosceptiques. Se contenter de jauger ces derniers avec condescendance et refuser d’écouter leurs arguments est contreproductif. Au contraire, tenter de comprendre leur approche, c’est respecter une position le plus souvent exprimée avec sincérité. C’est également être en capacité de choisir d’autres angles d’attaque, des arguments adaptés, pour expliquer avec pédagogie les enjeux et la réalité du réchauffement de la planète. Enfin, c’est pouvoir identifier les politiques et les moyens efficaces en fonction du cadre de croyance individuel et collectif.
Car il s’agit bien de croyance. Dans le cas de l’Oklahoma, au cœur du Midwest des Etats-Unis, bastion des climatosceptiques, une large partie de la population doute que l’homme, modeste animal, puisse seul mettre en danger la Terre, création divine. Par ailleurs, dans cet état américain, les habitants ont toujours affronté des épisodes climatiques intenses, telles que la sécheresse du Dust Bowl dans les années 30 ou les très fréquentes tornades. Imputer les catastrophes naturelles des dernières décennies au comportement humain, c’est ainsi faire preuve d’un sacré manque de recul historique et de bien peu d’humilité.
Les habitants mettant en doute l’impact humain sur le climat ne se limitent pas à une frange dure de climatosceptiques de pays occidentaux, et particulièrement des Etats-Unis. Ils sont malheureusement extrêmement nombreux, et pour des motifs de croyance très variés. Si nous faisons tomber un verre en hauteur, il se brise : le lien de causalité entre notre action et l’impact apparaît évidente aux yeux d’un enfant. Dans le cas du réchauffement climatique, la causalité est moins visible, les effets sont distendus dans le temps, et dans cette zone de séparation entre l’action et l’effet se glissent des raisonnements humains qui retardent la prise de conscience. Par exemple, « ces effets du dérèglement climatiques ne concernent pas mon territoire ». « Ce risque est lointain, et nous devons déjà faire face à des difficultés économiques et sociales ». Ou encore « les médias exagèrent, nous sommes las de cet alarmisme ». Si ces croyances apparaissent moins tranchées que celle des habitants de l’Oklahoma, elles alimentent bel et bien une inertie générale.
Je me souviens d’une traversée du désert de Gobi, au cours de laquelle nos hôtes jetaient avec indifférence les détritus dans l’immensité mongole. Heurtés par cette pratique, nous leur avions demandé pourquoi abîmer la nature et ne pas garder ces poubelles le temps de notre voyage (après tout, nous gardions bien une chèvre morte dans le coffre de notre voiture pendant près d’une semaine pour nous alimenter). Un de nos hôtes a balayé de son bras le paysage et nous a répondu en souriant : « Regardez, la terre est grande ».